Plus question de dissocier le citoyen engagé du consommateur. La consommation est désormais un vecteur d’engagement, c‘est indéniable. Et les consommateurs ont des attentes de plus en plus fortes envers les marques : pas moins de 97% des Français se disent prêts à boycotter les entreprises ayant des pratiques sociales ou environnementales destructrices (1).
Côté business, les marques engagées sont celles qui tirent leur épingle du jeu. La croissance des marques ayant travaillé leur utilité sociale et leur raison d’être est deux fois plus forte (2). Hava a même enregistré une surperformance de 134 % en bourse pour les marques porteuses de sens (3).
Pour autant, les marques inspirent de moins en moins confiance. On entend bien souvent dans le langage courant « c’est du marketing », sous-entendu, « c’est du pipo ». Pour preuve en France, de 2012 à 2017, la défiance vis-à-vis des marques traditionnelles est passée de 29% à 56% (4).
Alors, quelle position la marque se doit-elle de prendre en matière d’engagement ? Les marques doivent-elles ou non parler de leurs engagements ? Comment doit-elle le faire ? Quels écueils éviter ?
Au salon Produrable, Alexis Krycève, fondateur du cabinet HAATCH a recueilli les avis et conseils avisés de deux experts : Aude Gamberini, directrice marketing chez les Prés Rient Bio et Benoît de Lavarenne, directeur général de l’agence Team Creatif.
Comment le marketing s’est-il emparé de la RSE ?
Benoît : Il y a une dizaine d’années, la RSE, telle qu’elle était présentée dans les comités de direction, semblait loin des considérations marketing.
Depuis, les marques industrielles, les grandes marques du XXème siècle, ont été mises à mal par ce qu’on a appelé les petites marques. Ces nouvelles marques ont chamboulé la donne, déconstruit les façons de travailler et adopté un discours décomplexé qui introduisait le « reason why ».
Depuis, la RSE a su se faire une place au cœur des entreprises qui faisait du marketing « à la papa ».
Quel est le rôle des marketeurs ? Et celui des agences de communication et design ?
Aude : Le marketeur se doit de raconter les engagements de sa marque, traduire ces engagements en un langage marketing, compréhensible et intéressant pour les consommateurs. Son rôle est aussi d’aider les consommateurs à mieux consommer, à consommer en conscience. C’est un travail d’équilibriste.
Benoît : La marque est un repère, une fierté pour les consommateurs. Finis les temps du « plus gros le logo », il s’agit dorénavant de raconter l’histoire d’une marque et ses valeurs. Les agences aident à la priorisation des messages et se doivent parfois d’aller à l’antithèse de ce que les marques ont l’habitude de dire ou de faire, pour proposer des solutions pérennes qui répondent aux enjeux de notre siècle.
Quelques conseils aux marketeurs pour passer du territoire de marque au Territoire d’Engagement® ?
1 – Rencontrer ses parties prenantes et anticiper les signaux faibles
Le marketeur a surtout besoin de co-construire avec ses parties prenantes en intelligence collective. Il ne peut construire un discours hors-sol, sans y avoir associé son écosystème à sa démarche. Il faut accepter cette phrase d’apprentissage, accepter de se planter.
A titre d’exemple, le combat de la marque Faire Bien est né d’une discussion avec un agriculteur laitier. Ce dernier allait prendre sa retraite sans trouver de repreneur pour sa ferme bio. Le combat était trouvé : soutenir les éleveurs laitiers bio. Aujourd’hui 5% du chiffre d’affaires de la marque sert à préparer la relève.
Marketeurs, sortez du bureau, ne travaillez pas hors-sol !
2 – Revenir à l’origine de la marque, à sa raison d’être
Le point de départ peut être le suivant : posez-vous la question de l’utilité de votre marque. A quoi puis-je contribuer en tant qu’individu ? A quoi puis-je contribuer en tant que marque ? Il s’agit de revenir à l’essence même de la marque, à sa personnalité. Les marques sont bien nées de quelqu’un, de quelque part. Be yourself, everybody else is already taken. Oscar Wilde.
Cette raison d’être, vous pouvez, vous devez y réfléchir collectivement, avec vos parties prenantes internes et externes. Il est essentiel d’embarquer l’équipe. Quel que soit son métier, nous pouvons tous et toutes faire de la RSE !
3 – Marketeurs, soyez libres et sincères !
La marque est un média, un prétexte à créer de la discussion entre d’une part les personnes qui y travaillent et d’autre part, les consommateurs. Les marques, demain, seront en capacité de connecter les gens les uns avec les autres, capables de créer des relations sincères, authentiques et durables entre ceux qui font la marque et ceux qui la consomment.
Marketeurs, soyez libres et sincères ! Tout est possible : la marque est le reflet des valeurs que vous portez. Autorisons-nous à prendre cette liberté et faire de notre marque ce que l’on a envie d’en faire.
Replay vidéo de notre atelier au Salon Produrable
(1) Denjean & Associés, 2018 – L’enquête de Denjean & Associés a été réalisée en ligne du 23 au 29 janvier 2018 sur un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 à 75 ans.
(2) Brandz 2019
(3) Meaningful brands Havas
(4) AT Kearney