Dans le cadre du salon Produrable 2021, HAATCH a eu le plaisir d’animer deux conférences-ateliers intitulées « RSE et luxe : Retour d’expérience de deux Responsables RSE qui font progresser leur Maison » et « B Corp, Société à Mission : 45 min pour enfin comprendre « .

Cette dernière conférence a été l’occasion de présenter ces deux démarches de labellisation en compagnie d’invités de marque : Emery Jacquillat, PDG de la Camif et Président de la Communauté des Sociétés à Mission, et Nicolas Rohr, Co-fondateur de Faguo.

En complément de notre article B Corp vs Société à Mission, nous vous proposons un extrait dans lequel nos invités reviennent sur leurs expériences respectives. Ils nous livrent à la fois les difficultés rencontrées dans les processus d’obtention de la certification B Corp et d’obtention de la qualité juridique de Société à Mission, les complémentarités entre ces démarches et leur vécu sur la manière de les faire vivre au quotidien dans l’entreprise.


Alexis Krycève : Emery, pourrais-tu nous dire ce qu’est une société à mission ?


EMERY JACQUILLAT
 : « Une société à mission, c’est une société qui met une mission avec un impact social, sociétal, environnemental, qui lui est singulière, au cœur de son modèle. La société à mission a été consacrée en 2019 par la loi Pacte, mais les travaux qui ont conduit à la loi datent de 2008. On doit le concept à deux chercheurs de l’Ecole des Mines, Blanche Segrestin et Armand Hatchuel, qui avaient théorisé sur la société à objet social étendu. Ils étaient convaincus que l’entreprise ne peut pas se limiter à être une boite à partager le profit. Pour eux, elle a un vrai rôle et une vraie utilité dans la société. Dans la loi Pacte ont été repris les ingrédients essentiels de ce qui constitue une société à mission.

En résumé, il y en a trois :

  • L’inscription statutaire d’une raison d’être, assortie d’objectifs de mission.
  • La création d’un Comité de Mission, un nouvel organe de gouvernance dans l’entreprise, en charge du suivi de l’exécution de la mission
  • Enfin, un organisme tiers indépendant extérieur qui va venir auditer tous les 2 ans ou les 3 ans en fonction de l’entreprise la qualité de société à mission.

A partir du moment où l’on respecte cette inscription statutaire, la gouvernance de la mission et la transparence dont on va devoir faire preuve à travers un rapport de mission produit par le comité de mission, on peut être considéré comme une société à mission. Il y en a aujourd’hui 250 en France. C’est une innovation du droit français. Au sein de la communauté des sociétés à mission, on est persuadés que ça pourrait devenir le cadre d’un capitalisme responsable au niveau européen.

 

Alexis Krycève : Merci d’avoir planté le décor du sujet. Nicolas, pourrais-tu nous parler des différences, des similitudes, des complémentarités que B Corp vient apporter ?

NICOLAS ROHR : « D’abord, merci d’avoir évoqué la complémentarité des deux démarches. Chez Faguo, on est convaincus qu’être à la fois B Corp et entreprise à mission nous apportent une complémentarité parfaite. B Corp est parfait quand on veut faire mieux, mais que l’on ne sait pas quoi faire. B Lab vient faire un audit à 360° de votre entreprise avec un outil qui s’appelle le BIA (B Impact Assessment, ndlr). C’est un modèle en shadow : on répond à des questions pour s’auto-évaluer sur la partie sociale, environnementale et économique de l’entreprise. A la fin une note nous est attribuée. Pour être B Corp, il vous faut plus de 80 points. Ce qui est super, c’est que ça change plein de petits curseurs dans l’entreprise pour œuvrer pour le bien commun sans perdre à l’esprit qu’on fait du business. […] En outre, ça fonctionne par niveau : si l’on a 20 points la première année, on met en place un plan d’action qui nous fera gagner 20 points l’année suivante. Jusqu’à atteindre le graal un jour, comme Patagonia qui, avec 151 points, est très, très loin devant les autres. »

Alexis Krycève : C’est très clair. Pourriez-vous donner un exemple concret de choses qui ont changé chez Faguo et à la Camif en devenant B Corp et/ou société à mission ?

NICOLAS ROHR : « Chez Faguo, on avait la certitude que les matières recyclées étaient l’avenir pour réduire considérablement nos émissions de CO2. Aujourd’hui 80% de nos produits contiennent des matières recyclées au minimum à 25%. Et il se trouve que c’est quelque chose qui est très rémunérateur en points pour la certification B Corp, Ça nous a conforté dans notre feuille de route : si l’organe B Corp, qui est très sérieux, va aussi dans ce sens-là, c’est qu’on va dans la bonne direction. On s’est donc fixé l’objectif d’atteindre 100% de produits qui contiennent des matières recyclées d’ici 2 ans.»

EMERY JACQUILLAT : « Chez la Camif, très récemment, on a renoncé à acheter des produits en dehors d’Europe. On renonce donc à 7% de notre offre, soit 5% de notre chiffre d’affaires. Mais c’est en cohérence avec notre mission qui est de dynamiser l’emploi sur les territoires, de favoriser l’économie circulaire. C’est même en train de changer notre métier, et c’est vraiment lié à l’impulsion de la mission. On est en train de passer d’un métier de distributeur à un métier d’éditeur où l’on développe nos propres collections. »

Alexis Krycève : Est-ce que ça veut dire que la mission, la raison d’être en particulier, sert au quotidien de filtre pour vos décisions ?

EMERY JACQUILLAT : « Oui, c’est un outil très puissant pour les dirigeants. La raison d’être sert à la fois de boussole et d’outil stratégique. Elle guide nos budgets et nos plans d’actions. Pour chacun de nos 5 objectifs de mission, on a défini une feuille de route avec des actions clés et des objectifs à atteindre d’ici 2025. Ça permet de nourrir le projet de l’entreprise. Toute personne qui travaille dans l’entreprise se sent investie puisqu’elle contribue à la réalisation de la mission. »

Alexis Krycève : Si vous deviez donner un conseil aux entrepreneuses et entrepreneurs pour se lancer, quel serait-il ?

EMERY JACQUILLAT : « Le premier conseil, c’est qu’il y a urgence à se mettre en chemin. Le deuxième, c’est qu’il ne faut pas se précipiter. Formuler une bonne raison d’être, c’est une sorte de ligne de crête. Si l’on est trop déconnecté des pratiques de l’entreprise, l’insincérité sera directement perçue par les collaborateurs et cela se retournera contre l’entreprise. Inversement, si la démarche ne crée pas une tension positive et créative dans l’entreprise, ça n’engagera pas les collaborateurs. Cette ligne de crête, il faut du temps pour la trouver. Il faut challenger sa mission avec ses parties prenantes, et se nourrir de tous ces échanges pour être juste dans la formulation.

L’autre chose importante, c’est de définir des objectifs de mission qui sont singuliers à l’entreprise. Une bonne mission, c’est une mission qui va transformer l’entreprise. Il faut que vos objectifs parlent à vos équipes, que ce soit compréhensible et attaché à votre façon de faire du business. C’est très intéressant de faire les deux démarches en parallèle, et c’est ce qu’on a fait. On s’est mis en chemin sur la mission à partir de 2013. En 2017, on l’a inscrite dans nos statuts. »

NICOLAS ROHR : « Je voudrais vous raconter l’histoire de la création de Faguo. Mon associé Fred et moi avions 21 ans. Nous étions en école de commerce, et nous voulions créer une marque de baskets singulière. Or le secteur de la mode est le 2nd secteur le plus polluant dans le monde. Malgré ça, on ne va pas tous marcher pieds nus demain. Le problème n’est donc pas de s’habiller ou non, mais plutôt de comment on s’habille. On a donc créé Faguo en se disant qu’on n’était pas des criminels du CO2 en créant une marque. Finalement, tout l’enjeu de Faguo va être d’habiller moins, mais mieux. Se dire qu’on va proposer une alternative. On cherche à faire de la croissance, mais pas de la surcroissance sur de la croissance qui existe déjà. On veut se positionner sur le remplacement.

La deuxième petite histoire, ce sont les jeunes quia rrivent sur le marché du travail et qui demandent du sens dans leur emploi. Tous ces repères que sont B Corp et la qualité d’entreprise à mission leur permettent de filtrer les entreprises. On a donc des gens brillants qui arrivent chez Faguo parce qu’ils veulent profondément changer les choses. Faguo a été mis en lumière parce qu’on avait entrepris ces deux démarches. »

Le cabinet HAATCH remercie Nicolas Rohr et Emery Jacquillat pour leur participation à ces conférences et pour leurs retours d’expérience précieux. L’intégralité de la conférence est à retrouver en vidéo ci-dessous.

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