Dans un contexte de remise en question croissante du Pacte Vert européen, et notamment de la CSRD, la Commission a annoncé la mise en œuvre d’une législation omnibus pour simplifier ces réglementations. La proposition de la Commission sera publiée le 26 février, après une période de négociations intenses entre pays membres.  

Afin de contribuer à ces échanges avec notre vision pragmatique, à la fois pro-entreprise et pro-transition, l’équipe HAATCH a décidé de partager ses convictions. 

 Nous avons mené une revue complète des positions exprimées ces derniers mois par les uns et les autres. Forts de notre expérience d’accompagnement de près de 50 organisations sur cet exercice, conscients des difficultés qu’il peut représenter ainsi que de la pression concurrentielle qui s’exerce sur les entreprises européennes, nous souhaitons partager nos recommandations pour une simplification de la CSRD qui ne conduise pas à la vider de sa substance.  

Ces convictions sont rassemblées en 5 points que nous partageons ci-après :
 

1- Ne perdons pas de vue l’objectif ! 

La CSRD, à condition de ne pas perdre l’objectif en chemin, est un outil puissant au service de l’adaptation, de la stratégie et de la robustesse des entreprises. 

L’analyse de double matérialité, notamment, doit être maintenue pour toutes les catégories d’entreprises soumises, car elle est un exercice extrêmement utile et structurant. Au-delà de l’exercice réglementaire, elle offre un cadre extrêmement intéressant pour mieux connaître sa chaîne de valeur, comprendre ses impacts, mieux anticiper les risques et identifier les opportunités dans un monde en perpétuel mouvement. 

Au global, tous les acteurs doivent éviter de tomber dans l’écueil du « reporting pour le reporting ».
 

2- Soutenons les entreprises européennes et adaptons l’effort à la réalité de chacune 

Nous soutenons la position officielle de la France en appelant à la création d’un statut d’ETI afin d’adapter les exigences de la CSRD aux moyens financiers et humains d’entreprises de moins de 750 employés. 

Des progrès doivent être rapidement atteints pour simplifier la vie des entreprises et éviter de les mettre en position désavantageuse face à leurs concurrents extra-européens. Le décalage de 2 ans entre l’obligation de reporting pour les ETI européennes et les entreprises extra-européennes est vécu comme défavorable à leur compétitivité, alors que la concurrence internationale est rude. Entendons-les : différons d’un an le premier audit des ETI européennes et avançons-le d’un an pour les autres, pour les mettre sur un pied d’égalité ! 

Les ressources nécessaires à l’application de la CSRD doivent être accessibles via un portail et il convient, a minima, de les rendre disponibles dans les différentes langues de l’UE, à l’instar des autres directives européennes. Nous pensons également qu’il est urgent de mettre en œuvre le « guichet unique » promu par la coalition #FuturCSRD rassemblée autour du MIF, pour que la CSRD permette d’éviter la multiplication des sollicitations redondantes.
 

3- Renforçons la progressivité 

La CSRD prévoit déjà une progressivité dans les obligations des entreprises. Il faut aller plus loin dans la simplification et la progressivité pour les PME cotées et les ETI, sans pour autant aligner leur cadre sur le cadre volontaire VSME, notamment car il ne comprend pas d’analyse de double matérialité. 

Prioriser les normes liées aux ESRS 2, E1, S1 et G1 qui sont incontournables pour la première année de reporting, avec un allègement possible des données requises. Octroyer une flexibilité de trois ans pour les normes plus complexes comme ESRS E2, E3, E4, S2, S3 et S4, notamment lorsque les impacts et opportunités sont indirects et éloignés dans la chaîne de valeur.
 

4- Sortons du faux-débat sur le nombre de points de données et ne tombons pas dans l’écueil du « tout-quanti » 

Beaucoup de débats se concentrent sur le nombre de points de données à collecter. Ca n’a pas beaucoup de sens : certains points de données sont très simples à collecter, d’autres au contraire difficiles et imprécis. Certains points sont pertinents pour une entreprise donnée, d’autres pas du tout. 

Ce qui importe, c’est d’adapter l’exercice aux enjeux et à la réalité de chaque entreprise. Nous recommandons de privilégier une approche thématique et fondée sur la pertinence des données à reporter. En ce sens, nous considérons l’analyse de pertinence, systématique dans notre approche, comme une étape essentielle avant l’analyse des écarts, pour opérer un filtre et décider de différer la collecte de certaines données. Celle-ci permet en effet de prioriser la publication des données en évaluant leur importance stratégique et leur obligation réglementaire, tout en tenant compte de la complexité de leur collecte. 

Certaines voix se prononcent pour se limiter à la collecte de données quantitatives uniquement. Nous pensons que c’est un piège. Certains enjeux ne sont pas quantifiables, et il importe de pouvoir décrire les stratégies, politiques et plans d’action mis en œuvre, parfois plus que de chiffrer leurs impacts. L’équilibre entre des données quantitatives et d’autres qualitatives est une force de la CSRD.
 

5- Adoptons une posture constructive et indulgente. 

Une démarche RSE est difficile à élaborer, les données longues à collecter et, pour beaucoup d’entreprises, notamment les ETI, c’est encore un exercice nouveau. Nous appelons tous les acteurs du conseil, de l’audit, ainsi que les autorités, à adopter une posture d’accompagnement indulgente, pour viser à l’instauration progressive d’une transparence et d’une rigueur bénéfiques à tous. Nous pensons que l’attitude adoptée par les OTI dans le cadre de la Société à Mission, ainsi que la création du Cercle des OTI permettant aux OTI d’aligner leur posture et leurs pratiques, sont des exemples dont il convient de s’inspirer. Nous recommandons la généralisation des audits blancs sur des rapports partiels, pour aider les entreprises à se mettre en conformité avant l’audit réel. Nous pensons également que les premiers audits devraient se concentrer sur la conformité de la méthodologie ainsi que du reporting sur les enjeux les plus matériels, avant de viser l’exhaustivité de l’audit. 

 

Simplifier sans renoncer, tel doit être l’objectif de la Commission Européenne afin de ne pas dépouiller la CSRD de toute son ambition et de maintenir l’Union Européenne comme fer de lance de la transition. Face à un retour en arrière déjà entamé par les Etats-Unis, a une pression constante de la Chine fortement engagée dans la transition énergétique et acquise au principe de double matérialité,  il n’a jamais été aussi crucial que l’Union Européenne se distingue avec des réglementations à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux des prochaines décennies. Simplifier sans renoncer suppose que la Commission prenne en considération les inquiétudes et difficultés soulevées par les entreprises en faisant preuve de plus de souplesse. Il s’agit également de faire preuve d’une plus grande pédagogie afin de montrer que la CSRD n’est pas antinomique avec la compétitivité mais qu’elle s’inscrit au contraire dans un cadre unique, celui du Pacte Vert. Le Pacte Vert est une opportunité pour les entreprises européennes d’inscrire leur modèle d’affaire dans la pérennité et la robustesse, la CSRD est l’outil qui les aidera à guider les transformations nécessaires et à réaliser les bons arbitrages. C’est enfin une étape majeure qui pourrait permettre de faire de l’économie européenne un modèle mondial, en étant la première à s’inscrire volontairement dans les limites planétaires.